S’il faut soutenir qu’il existe des gestes pédagogiques « efficaces », comment comprendre ce mot ?

Définir les gestes professionnels

Par gestes professionnels, il faut entendre les gestes (au sens propre), les postures, les manières d’être, les manière de faire, les mouvements et les opérations mentales propres à un métier particulier.

Dans le domaine professionnel de l’enseignement, les gestes professionnels peuvent être définis ainsi :

« Un geste professionnel est un signe verbal et non verbal adressé à un ou plusieurs élèves pour susciter leur activité. Il est fait pour être compris. Il manifeste une intention que les élèves doivent être en mesure de comprendre. Il relève d’une culture scolaire et disciplinaire partagée. » (Françoise Morel, Dominique Bucheton, Brigitte Carayon, Hélène Faucanié, Sandrine Laux, « Décrire les gestes professionnels pour comprendre des pratiques efficientes », Le français aujourd'hui, 2015/1, n° 188).

Les gestes professionnels des enseignants peuvent être regroupés en plusieurs catégories :

  • gestes didactiques : ceux qui permettent d’enseigner sa discipline (comment rédiger une réponse, comment se corriger, comment lire et comprendre un texte…)
  • gestes de maintien d’une certaine atmosphère : maintien de l’ordre et du calme, création d’un espace de parole, utilisation de plaisanteries pour détendre l’ambiance et créer des liens de connivence avec les élèves, gestion des conflits…
  • gestes de pilotage : ils permettent de lancer les activités, faire se disposer les élèves dans la classe, demandent de prévoir le matériel nécessaire, de savoir gérer le temps…
  • gestes de tissage : ils servent à rappeler aux élèves les activités précédentes, à anticiper avec les élèves celles qui suivront, à inscrire les séances dans un déroulement et non une succession de tâches séparées les unes des autres, à insister sur les liens entre École et vie personnelle hors de l’école…
  • gestes d’étayage : il mettent en œuvre l’empathie et permettent d’accompagner les élèves en ajustant les tâches, en revenant sur une notion, en encourageant…

Pour Dominique Bucheton et Yves Soulé, l’enseignant·e efficace est celui ou celle qui sait utiliser de la manière la plus appropriée les gestes nécessaires selon la situation et qui passe aisément de l’un à l’autre. Les travaux de recherche dans ce domaine montrent que de très nombreux enseignant·es se limitent dans leur séance à un petit nombre de gestes et en oublient fréquemment certains, comme les gestes de tissage. Pourtant, ils sont essentiels pour la mémorisation (nous verrons pourquoi plus tard).

Nous allons utiliser cette notion de gestes professionnels dans tout le cours. Elle permet de poser que l’acte d’enseigner n’est pas l’affaire de « dons », de recettes empiriques apprises « sur le tas » par mimétisme (on a le souvenir qu’un ancien enseignant· faisait ainsi, on imite un·e collègue), d’un charisme personnel (la personnalité, l’autorité…), d’un savoir-faire inconscient… mais qu’il peut et doit s’appuyer sur des gestes dont on peut prouver qu’ils sont efficaces et en rejeter certains qui ne le sont pas ou, pire, retardent les apprentissages.

Des gestes pédagogiques efficaces

Des gestes professionnels sont efficaces s’ils amènent au résultat escompté. De tels gestes peuvent être définis ainsi :

  • ils sont ajustés à la situation d’enseignement, au public, à la réalité analysée de la classe
  • ils respectent quelques invariants reposant sur des observables, sur des faits objectifs voire scientifiques
  • ils s’appuient sur des postures professionnelles conscientisées (la notion de posture sera définie plus loin)

Défense des gestes professionnels efficaces

Si l’on veut prouver que certains gestes sont efficaces et les faire se développer dans la communauté éducative au sens large, il faut argumenter. Imposer des pratiques sans expliciter les raisons qui font que ces pratiques devraient être encouragées est contre-productif. Pour ne prendre qu’un exemple, le système scolaire français garantit la liberté pédagogique : il n’est pas dans les habitudes des enseignant·es de recevoir des ordres leur imposant telle ou telle manière de faire. Il faut les en convaincre.

L’objectif de ce cours est donc de vous présenter des arguments allant dans ce sens pour vous permettre de défendre certains gestes, principalement dans des situations orales que vous pourriez rencontrer :

  • pour les étudiant·es se destinant à des métiers qui les mettront au contact d’apprenants (enseignement, éducation, accompagnement d’élèves en situation de handicap, animation, médiation culturelle…) : face à un jury ou des recruteurs lors d’oraux (examens, concours, recrutement), face à la direction de son établissement, face aux collègues, face aux parents d’élèves, face aux élèves…
  • pour les autres étudiant·es : dans des situations formelles ou informelles de débats sur l’École, l’éducation et l’enseignement, face à ses proches, à des journalistes, à des décideurs, devant l’urne lorsque l’on vote…
Modifié le: dimanche 21 février 2021, 18:08