Ressource — Les invariants pédagogiques de Freinet
❱❱ Les invariants pédagogiques de Freinet
Célestin Freinet (1896-1966) est un pédagogue français ayant décrit des techniques pédagogiques fondées sur l’expression libre des enfants, la coopération, le tâtonnement et le plan de travail. Sa pédagogie peut être résumée par des invariants pédagogiques, présentés ci-après. Ceux-ci permettent à l’enseignant·e de situer ses pratiques sur une échelle à trois couleurs (rouge : les pratiques ne sont pas conformes à ces invariants ; orange : pratiques bénéfiques mais qui pourraient se révéler dangereuses ; vert : pratiques conformes aux invariants). Une partie des prises de position de la pédagogie Freinet a été incluse dans les pratiques pédagogiques et les gestes professionnels recommandés par l’Éducation nationale, notamment après la réforme du collège de 2015.
Dans le document, j’ai mis en gras les invariants sur lesquels j’aimerais attirer votre attention. Je vous conseille de les reformuler avec vos propres mots. Ne tentez pas de retenir tout ce document. Demandez-vous surtout quelle image d’un enfant il donne et comment les enseignant·es qui suivent la pédagogie Freinet sont censé·es considérer les élèves qui leur sont confiés.
La nature de l’enfant
1. L’enfant est de la même nature que l’adulte.
2. Être plus grand ne signifie pas forcément être au-dessus des autres.
3. Le comportement scolaire d’un enfant est fonction de son état physiologique, organique et constitutionnel.
Les réactions de l’enfant
4. Nul — l’enfant pas plus que l’adulte — n’aime être commandé d’autorité.
5. Nul n’aime s’aligner, parce que s’aligner, c’est obéir passivement à un ordre extérieur.
6. Nul n’aime se voir contraint à faire un certain travail, même si ce travail ne lui déplait pas particulièrement. C’est la contrainte qui est paralysante.
7. Chacun aime choisir son travail, même si ce choix n’est pas avantageux.
8. Nul n’aime tourner à vide, agir en robot, c’est-à-dire faire des actes, se plier à des pensées qui sont inscrites dans des mécaniques auxquelles il ne participe pas.
9. Il nous faut motiver le travail.
10. Plus de scolastique. 10 bis Tout individu veut réussir. L’échec est inhibiteur, destructeur de l’allant et de l’enthousiasme. 10 ter Ce n’est pas le jeu qui est naturel à l’enfant, mais le travail.
Les techniques éducatives
11. La voie normale de l’acquisition n’est nullement l’observation, l’explication et la démonstration, processus essentiel de l’École, mais le tâtonnement expérimental, démarche naturelle et universelle.
12. La mémoire, dont l’École fait tant de cas, n’est valable et précieuse que lorsqu’elle est vraiment au service de la vie.
13. Les acquisitions ne se font pas comme l’on croit parfois, par l’étude des règles et des lois, mais par l’expérience. Étudier d’abord ces règles et ces lois, en français, en art, en mathématiques, en sciences, c’est placer la charrue devant les bœufs.
14. L’intelligence n’est pas, comme l’enseigne la scolastique, une faculté spécifique fonctionnant comme en circuit fermé, indépendamment des autres éléments vitaux de l’individu.
15. L’École ne cultive qu’une forme abstraite d’intelligence, qui agit, hors de la réalité vivante, par le truchement de mots et d’idées fixées par la mémoire.
16. L’enfant n’aime pas écouter une leçon ex cathedra.
17. L’enfant ne se fatigue pas à faire un travail qui est dans la ligne de sa vie, qui lui est pour ainsi dire fonctionnel.
18. Personne, ni enfant ni adulte, n’aime le contrôle et la sanction qui sont toujours considérés comme une atteinte à sa dignité, surtout lorsqu’ils s’exercent en public.
19. Les notes et les classements sont toujours une erreur.
20. Parlez le moins possible.
21. L’enfant n’aime pas le travail de troupeau auquel l’individu doit se plier comme un robot. Il aime le travail individuel ou le travail d’équipe au sein d’une communauté coopérative.
22. L’ordre et la discipline sont nécessaires en classe.
23. Les punitions sont toujours une erreur. Elles sont humiliantes pour tous et n’aboutissent jamais au but recherché. Elles sont tout au plus un pis-aller.
24. La vie nouvelle de l’École suppose la coopération scolaire, c’est-à-dire la gestion par les usagers, l’éducateur compris, de la vie et du travail scolaire.
25. La surcharge des classes est toujours une erreur pédagogique.
26. La conception actuelle des grands ensembles scolaires aboutit à l’anonymat des maitres et des élèves ; elle est, de ce fait, toujours une erreur et une entrave.
27. On prépare la démocratie de demain par la démocratie à l’École. Un régime autoritaire à l’École ne saurait être formateur de citoyens démocrates.
28. On ne peut éduquer que dans la dignité. Respecter les enfants, ceux-ci devant respecter leurs maitres, est une des premières conditions de la rénovation de l’École.
29. L’opposition de la réaction pédagogique, élément de la réaction sociale et politique, est aussi un invariant avec lequel nous aurons, hélas !, à compter sans que nous puissions nous-mêmes l’éviter ou le corriger.
30. Il y a un invariant aussi qui justifie tous nos tâtonnements et authentifie notre action : c’est l’optimiste espoir en la vie.
Source : version résumée proposée par l’institut coopératif de l’école moderne (ICÉM) tirée de Célestin Freinet, Les Invariants pédagogiques. Code pratique d’École moderne, dans Bibliothèque de l’École moderne no 25, éditions de l’École moderne française, 1964